Lisez le texte ci-dessous et répondez aux questions.

NOTRE COMPORTEMENT AVEC LES ANIMAUX
On les aime bien, ces petites bêtes. On les aime tant qu'elles occupent désormais une place importante.

Rares sont les sociologues qui se sont penchés sur un phénomène social aussi considérable. Ceux qui en parlent nous aident à en comprendre la portée humaine. Car à travers le traitement des animaux, c'est un rapport à l'homme, aux autres hommes qui se joue. Certes, toutes les sociétés humaines ont entretenu des liens avec les animaux. Mais généralement, elles cherchaient une relation utilitaire (garde de troupeaux, aide dans la chasse, dépistage des rongeurs, etc.), et c'était l'animal qui rendait service à l'homme. Aujourd'hui, l'inversion paraît totale: celui qui possède en ville chien ou chat sait bien les obligations auxquelles il est soumis, et, quand viennent les vacances, la charge est si lourde que les fourrières* se remplissent d'animaux abandon nés. C'est si vrai, d'ailleurs, qu'en dehors des cas où le chien est en effet utile et nécessaire (pour un aveugle, par exemple), on s'aperçoit que l'animal ne vient même pas combler la solitude. Les statistiques montrent que le taux de possession d'animaux domestiques est plus faible chez les personnes seules que dans toutes les autres catégories de population. Et, d'ailleurs, posséder un chien isole plutôt puisqu'il faut se tenir à distance d'autres possesseurs de chiens, éviter les enfants, sortir le soir quand les trottoirs sont déserts, pren dre diverses précautions délicates dès qu'on voyage.

En fait, si l'on en croit un sociologue, «dans l'élevage d'un animal familier, l'homme teste sa capacité éducative de façon analogue à la manière dont il interroge son statut d'éducateur parental au travers des réactions d'un enfant à son égard». Une sensibilité nouvelle se développe qui peut voir dans l'animal domestique un être humain en miniature qu'on doit éduquer à la propreté, à la régularité, à la reconnaissance (caresses, tendresses diverses) ; elle se développe par la mise en place d'un système complet de dépendance de l'animal qui représente la situation idéale pour l'éducateur, car cette dépendance ne débouche pas sur l'émancipation de l'adolescent. Par là, l'adulte se donne la satisfaction de l'éducation d'un quasi-semblable sans rencontrer les inconvénients de l'éducation de ce semblable authentique qu'est l'enfant.
Paul Valadier

*Une fourrière: lieu où l'on recueille les animaux perdus, abandonnés.